Bienfaits et secret de la respiration consciente par Edouard Stacke
Le simple fait de respirer est si « naturel » qu’il n’attire
pratiquement jamais notre attention. Or la respiration s’adapte à chaque
seconde aux moindres fluctuations de nos activités et des évènements que nous
vivons. Ses variations traduisent comme un sismographe nos états intérieurs. En
retour, comme fonction connectée aux autres, la respiration peut influencer les
fonctions de notre organisme, nos réactions émotionnelles et nos humeurs, ainsi
que notre état d’esprit. Son potentiel est considérable et nous pouvons
dépasser l’usage habituel très limité qui en est fait. Il est extrêmement
important de considérer l’air respiré comme une « deuxième nourriture »
essentielle.
La nourriture est le « carburant » de notre organisme, qui
alimente notre moteur énergétique. Or, pour transformer l’énergie des aliments,
nous avons besoin de l’oxygène de l’air inspiré, le « comburant » dans la
réaction. Une bonne respiration, entraine une digestion de meilleure qualité et
une transformation de votre alimentation en énergie (en favorisant
l’oxydo-réduction des aliments) ainsi qu’un meilleur métabolisme cellulaire.
Les échanges au niveau cellulaire seront de meilleure qualité, grâce à une meilleure
oxygénation de vos cellules, au travers du sang mieux oxygéné qui les
irriguent. Une meilleure gestion des émotions et une sérénité stable seront
également des bénéfices appréciables. Lien permanent et essentiel avec la vie,
la respiration est un processus mystérieux, tant son fonctionnement est relié
avec la physiologie du corps, le système nerveux, la gestion des émotions et
impacte autant la dimension physique que psychologique de la vie de chacun.
La respiration est une manière de se dévoiler et, associée à
la voix, elle révèle une personnalité. Elle est vitale, et s'entrainer à mieux
respirer apparaît essentiel à l'heure où la très grande majorité des gens
n'utilise que 10% de ses capacités respiratoires. En fait, chacun adopte
inconsciemment un style propre caractéristique, pour faire usage de sa fonction
respiratoire, correspondant à sa façon d’être, surinvestissant une partie du
corps, en négligeant d’autres et sous-utilisant ainsi une large part de son
potentiel énergétique personnel. C’est seulement quand notre respiration est
perturbée, qu’elle se rappelle à nous : souffle court après une montée rapide
d’étages ou d’escaliers du métro, suspendue quand nous sommes en alerte,
embarras lors d’une prise de parole devant un public, etc. Nous y faisons appel
quand nous pratiquons une activité sportive. La respiration est alors notre
complice et notre alliée dans ces moments privilégiés et puis nous l’oublions à
nouveau, pris par nos préoccupations et nos activités.
Le grand virage, pour accéder à la maitrise du souffle,
consiste à conjuguer la vigilance, l’attention consciente posée sur la
respiration et l’observation du meilleur usage possible de la fonction, en
explorant sans réserve tout le champ des possibles. Les traditions chinoises et
indiennes ont, depuis des millénaires, approfondis la maîtrise du souffle. Mais
l’entrainement des artistes (danseurs, comédiens, chanteurs) comme celui des
athlètes de haut niveau ont enrichi les méthodes. Il est important aujourd’hui,
au-delà des pratiques historiques, de comprendre les fondements modernes de
leur efficacité, dans une lecture holistique. Depuis des dizaines années, j’ai
conjugué de nombreuses approches (kiné respiratoire, ostéopathie, acupuncture,
relaxation,Tai Chi, Qi Gong, méditations Zen, Vipassana, Thibétaine,
psychothérapie, bio-énergie, intégration posturale, course, plongée, coaching
sportif, training de prise de parole en public) intégrant la respiration, que
j’ai pratiqué avec des milliers de clients et partager avec de très nombreux
professionnels. J’en ai réalisé une synthèse pour tous les professionnels de la
santé, de la relation d’aide, de l’éducation et de la formation, pour leur
permettre d’enseigner à leurs clients les bienfaits de la maitrise du souffle,
dans toutes ses modalités, en complément des autres techniques ou disciplines
pratiquées. C’est l’ambition de la Respirologie, en France, de contribuer à
diffuser un meilleur usage de cette ressource si bénéfique à la santé-vitalité
et au bien-être de la population, comme elle le fait déjà au Canada, en Suisse
et en Allemagne.
Schémas respiratoires
Observez attentivement chez vous et chez vos clients les
modalités et le mouvement d’ensemble du cycle respiratoire. Quel est son
rythme, sa profondeur, ses caractéristiques ? Comment affecte-t-il votre
verticale, votre colonne vertébrale ? Où l’effort musculaire se produit-il le
plus ? Quelles conséquences sur les autres parties du thorax et du dos ? Quel
impact sur votre posture générale et la perception de vous-même ? Quelle
identité est reliée à cette perception ? Quelle sorte de personne êtes- vous
dans ce mode de respiration ? Quels sentiments vous habitent dans cet état ?
Dans quel niveau et type d’énergie vous sentez-vous ?
La plupart des gens sur-utilisent la poitrine et soulèvent
les épaules en inspirant, ce qui entraine un usage défectueux de la respiration
et crée une tension anxiogène. Leurs flancs, leur dos, ainsi que la partie
basse de l’abdomen et du bassin sont des zones muettes, qu’ils n’intègrent pas
dans leurs perceptions et leur mouvement respiratoire. Stanley Keleman,
psychothérapeute américain, a produit un livre « Emotional anatomy », où il
montre l’impact sur le corps organique de nos attitudes, avec la répartition
des énergies et des pressions sur chaque zone du corps. Les remarquables
illustrations permettent de comprendre la dynamique qui se fixe ensuite dans le
schéma corporel et le sentiment de l’identité.
Notre mode respiratoire habituel renseigne sur notre
personnalité et notre relation au monde, comme notre gestion des émotions :
retenue ou liberté, acceptation ou non de l’intensité des sensations et des
émotions. Il est en lien avec le langage du corps, qui inclut le niveau de
tonus, l’amplitude gestuelle, l’occupation de l’espace (voir livre d’Edward T.
Hall, « Le langage silencieux »). Les personnes à tendance dépressive ne
s’autorisent pas à prendre de profondes inspirations et maintiennent leur corps
dans un état de fatigue chronique par sous-ventilation. Elles restent dans une
modalité respiratoire qui s’arrête à mi-parcours. Les personnes imbues
d’elle-même sont souvent dans l’inflation de la cage thoracique et restent en
blocage inspiratoire, prenant ainsi artificiellement du volume. Les rigides
gardent leurs muscles abdominaux contractés, et souvent aussi, leurs muscles
des mâchoires, pour maintenir un contrôle strict sur leur respiration et
l’expression des émotions.
Tester son diaphragme
Le muscle du diaphragme est globalement méconnu dans la
pratique quotidienne de la respiration spontanée. La plupart d'entre nous
savent le localiser entre les cotes, au dessus de l’estomac, mais ils fixent un
point, au niveau du plexus solaire ou un tout petit territoire de quelques
centimètres. Très peu encercle leur cage thoracique pour dessiner la
circonférence de cette coupole médiane, centrale qui sépare les poumons de
l’abdomen. Quasi personne ne pense et ne sent comment respirer avec les basses
cotes postérieures, qui mobilisent les piliers postérieurs du diaphragme. Si le
piston du diaphragme descend à l’inspir, il est facile d’imaginer qu’il va
augmenter la pression sur les viscères de l’abdomen et que si les muscles
abdominaux sont relâchés, la paroi abdominale va se gonfler pendant cette phase
de la respiration.
En fait la même chose se produit à l’arrière de la cage
thoracique, dans les espaces de part et d’autre de la colonne vertébrale, au
niveau du carré des lombes, donnant l’impression (vérifiable au toucher) d’un
gonflement postérieur, équivalent au gonflement de l’abdomen.
Il est possible de tester la force et la conscience du
diaphragme, en encerclant la base des cotes avec une ceinture souple, genre
ceinture de judo en tissu souple. A l’expiration, comprimer les basses cotes
avec la ceinture, puis maintenir la pression de la ceinture avec les mains,
pendant l’inspiration pour tester la puissance du diaphragme et la capacité à
soulever les basses cotes de façon circulaire. La force du mouvement et son
amplitude renseignent sur la puissance et le niveau de développement du muscle
diaphragme. Vous pouvez faire cet exercice à deux, au début, pour mieux vous
concentrer et ensuite tout seul, pour continuer à vous entrainer et mesurer vos
progrès.
En pratiquant cet exercice quelques minutes, plusieurs fois
par semaine, la conscience du mouvement complet du diaphragme va devenir
familière. Il suffira de compléter par l’observation du même mouvement dans les
moments tranquilles e la journée, pour en faire une nouvelle habitude
familière. Bénéfices : gagner en relâchement des épaules et des tensions,
gagner en amplitude respiratoire sans effort, soulager la pression de la
gravité sur la zone lombaire de la colonne lombaire, recentrage de la posture
générale du corps, par conscience plus forte du bassin et de son importance.
Dynamique respiratoire et gestion des émotions
Les émotions ont pour finalité de mobiliser l’organisme, en
urgence, pour passer à l’action, sans passer par le cortex et le raisonnement
conscient. Chacune des quatre grandes émotions principales mobilise une énergie
particulière. La peur mobilise pour prendre la fuite en cas de danger, la
colère fait foncer vers l’agresseur, la tristesse permet l’acceptation de
l’impuissance devant l’inéluctable, la joie dilate et élève le cœur. Les
émotions, vagues d’énergie, sont faites pour être exprimées au fur et à mesure,
en temps réel. Il est précieux d’apprendre à exprimer ses émotions de façon
spontanée et canalisée à la fois, pour accepter de les éprouver et de les
communiquer à autrui sur un mode pertinent, au fur et à mesure des situations.
Pour cela il faut pouvoir évacuer les émotions anciennes. Dans chaque émotion
que nous éprouvons, il y a une altération, modification, amplification de notre
mode respiratoire. Si l’on inverse le processus, en adoptant successivement le
type de respiration et la mimique propre à chaque émotion, sans se préoccuper
des causes ou des souvenirs, on peut faire ré-émerger les émotions correspondantes
et les extérioriser. Dans les traditions du Maghreb, de Corse et d’Irlande, les
pleureuses professionnelles aidaient les familles à exprimer le chagrin de la
perte et de la séparation, au moment des cérémonies funèbres, pour permettre
aux proches la transition et le retour à la vie quotidienne, de vivre engagé au
présent, sans nostalgie excessive.
Il y a 4 grands axes
d’usage de la respiration consciente.
1) L’apaisement et le calme de l’esprit. Les pratiques de
respiration consciente sont multiples et jouent un rôle important dans
l’accroissement de la vigilance. Depuis les différentes techniques de
relaxation, d’hypnose jusqu’aux méthodes de méditation de l’hindouisme, du
bouddhisme, du taoïsme et les pratiques du pranayama du yoga, toutes ont en
commun le fait de rendre la respiration consciente. L'usage de la respiration
consciente, dans un lieu paisible est une façon simple de créer ou de retrouver
un état d’apaisement, de favoriser le retour au calme, après une activité
intense, un échange chargé d’électricité. L’absorption de l’esprit dans
l’observation de la sensation et du mouvement, liés à la respiration, apaise
progressivement l’agitation mentale, permet l’allongement spontané du cycle
respiratoire, pour amener un ralentissement des pensées automatiques
associatives, qui laisse la place à une plus grande sérénité et présence à
l’ici et maintenant, ainsi qu’une perception plus large de soi-même et de
l’environnement global. Dans le Bouddhisme Hinayana du Petit Véhicule, un
Birman, Goenka, enseigne l’observation, durant des heures, de la respiration,
sans la modifier, en restant concentré sur la sensation de l’air au pourtour
des narines, le contact de l’air avec les fosses nasales, puis l’arrière-gorge,
ainsi que l’observation du mouvement de la respiration dans la cage thoracique
et l’abdomen.
2) Concentration dans l’action
Comme les pratiquants de la méditation, les hommes d’action
utilisent le centrage sur la respiration consciente et l’attention au corps
pour préserver le calme, même dans les situations difficiles. Cette approche de
la respiration consciente mène, si on la prolonge, vers une conscience plus
fine, vers une intelligence plus profonde de soi et des situations complexes.
En mettant l’agitation mentale au repos, en écartant les routines et les
stéréotypes, elle rend l’esprit et l’intuition disponibles pour percevoir la
situation d’ensemble, qui permet d’agir de manière opportune. Dans l’action, la
bonne synchronisation est essentielle. Tout geste simple, lié à un effort, doit
être fait dans une phase d’expiration. Par exemple, soulever une charge. En
plus de fléchir les jambes, pour ne pas fatiguer le dos, mais utiliser la
puissance des jambes, prenez le temps d’inspirer avant et de soulevez la charge
en expirant. Elle vous semblera plus légère et vous contrôlerez le mouvement
plus en finesse et étant plus attentif à la sensation, plutôt que de vous
livrez à un effort brutal et à un geste mal contrôlé.
En escalade, l’économie d’énergie est essentielle durant
l’ascension. Quand la paroi devient verticale et les prises plus petites, la
tension musculaire augmente, mais aussi, l’appréhension et la tension
émotionnelle. En complément d’un bon équilibre sur les points d’appui, d’une
détente musculaire maximum pour économiser les efforts inutiles, la respiration
ample et profonde va permettre de gérer la charge émotionnelle et de rester
serein, de maintenir la vigilance et la tranquillité maximale, pour poursuivre
la montée au bon rythme, ni trop vite, ni trop lentement, en s’accordant les
temps d’arrêt pour observer la paroi et récupérer des efforts précédents. Dans
la vie quotidienne, en situation de travail également, l’observation de la
respiration est précieuse. Elle vous renseigne sur les situations de confort ou
de tensions, par une répercussion immédiate sur le fonctionnement de votre
organisme, qui vit inconsciemment la nature des situations. Vous pourrez aussi
capter mieux le ressenti des autres personnes en observant leur comportement,
leur langage non-verbal, dont les modalités de leur respiration, qu’ils parlent
on non et connaitre leur état interne en finesse.
3) stimulation pour accéder à l’énergie primitive, à l’image
des Hakas des rugbymen maoris ou des arts martiaux asiatiques. Elle permet
d’accéder au cerveau reptilien et d’irriguer l’organisme d’un afflux d’énergie
quand nécessaire. Je l’ai personnellement utilisé dans les passages difficiles
en montagne, en grimpant en tête.
4) l’énergie pour s’exprimer avec conviction. Dans les
situations de travail, en groupe, en réunions, il ya une vraie compétence qu’il
est possible de développer par l’entrainement, pour s’exprimer avec conviction
et sensibilité et accroitre ses capacités d’influence.
Je ne développe pas
les points 3 et 4 en raison de l’espace limitée et dans ces domaines rien ne
remplace l’expérience vécue pour assimiler les principes. Le Cycle de formation
certifiante permet d’accéder à toutes ces dimensions.
L’entraînement régulier à la respiration consciente apporte,
avec le temps, ses premiers bénéfices. Si l’on approfondit ces temps de
recentrage quotidiens, il est possible d’atteindre des états de grande sérénité
au travers de méditations plus longues et avec des méthodes plus complexes. En
vous accordant ces temps de répit pendant une période prolongée (quelques
minutes chaque jour, à différents moments de la journée, ou de plus longs
moments pendant une semaine de vacances) vous vous approcherez d’un sentiment
d’unité intérieure, d’une paix profonde, d’une expérience d’harmonie avec
l’environnement, avec la nature, de relations sereines avec les autres, car
vous aurez créé l’état en vous-même et cela changera votre relation avec
l’extérieur. En fait, si nous sommes stimulés par l’extérieur et réagissons aux
sollicitations externes, nous projetons aussi notre état intérieur dans notre
lecture des situations. En apprenant à créer un état de neutralité paisible,
par une pratique régulière, nous devenons plus objectif, plus lucide, plus
réceptif et cela améliore la pertinence de nos choix et de nos actions. Les
pratiquants témoignent d’une augmentation de leur vitalité et de leur dynamisme
serein.
Il est possible de conserver l’état de tranquillité créé par
ces quelques minutes de respiration consciente, dans un lieu calme, de
l’entretenir en continuant la respiration consciente dans l’action, en marchant
dans les couloirs au bureau, dans l’usine, en assistant à des réunions. Cette
attitude va améliorer l’attention et la qualité d’écoute au travail, mais aussi
en allant faire vos courses ou toute autre activité (par exemple sportive ou
artistique) dans la vie privée. Progressivement il est possible d’être présent
à soi-même, attentif et détendu, en toutes circonstances, en relation avec les
autres et les situations, connecté aux flux d’informations et d’énergies qui
circulent.
Un
grand exercice de respiration : La respiration à quatre temps:
1- L'inspiration, les
poumons se gonflent d'air sous l'action du diaphragme (muscle séparant les
poumons des viscères);
2- A la fin de l'inspiration, il y a un temps de suspension
précédent l'expiration que nous appellerons "position de force" (ce
temps peut être prolongé lorsqu'on est en apnée, mais pas trop longtemps quand
même...);
3- L'expiration, l'air est expulsé des poumons, sous
l'action inverse du diaphragme;
4- A la fin de l'expiration, il y a également un temps de
suspension finissant le cycle avant une nouvelle inspiration et nous
l'appellerons "position d'écoute".
En résumé, il y a deux temps d'action (inspiration et
expiration) séparés par deux temps de suspension (position de force et position
d'écoute).
Il peut être utile au début de compter pour prendre le même
temps pour chaque portion. Exemple: de 4 à 6 secondes. Cela permet aussi de régulariser sa
respiration et calmer le mental qui sera occupé à compter.
Peu à peu, votre respiration se ralentira. En général, on
n'a plus besoin que de 2 ou 3 cycles par minute (au lieu de 6 ou 7). Ce
ralentissement doit se faire sans forcer. Le but n'est pas de ralentir sa
respiration mais de se sentir bien dans chaque temps du cycle. Le
ralentissement en est une conséquence.
Vous venez de retrouver votre respiration naturelle, celle
que vous voyez chez quelqu'un qui dort. C'est un exercice très relaxant que
vous pouvez pratiquer sans modération.
Un seul avertissement: cet exercice oxygène plus qu'à son
habitude le métabolisme et, chez certaines personnes, cela peut provoquer des
étourdissements ou des vertiges. Ils cesseront avec une pratique régulière et
indique combien on peut être, au quotidien, sous-oxygéné par une respiration
contrainte.
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