Le sheikh Mouhhydeen Ibn Arabi
Muhyi-d-dîn Ibn ’Arabi1, andalou musulman, d'origine arabe,
plus connu sous son seul nom de Ibn ’Arabi (né le 7 août2 1165, à Murcie, en
al-Andalus (Empire almohade, actuelle Espagne), et mort le 16 novembre 12403, à
Damas (Sultanat ayyoubide, actuelle Syrie). Également appelé « ach-Cheikh
al-Akbar » (« le plus grand maître », en arabe), ou encore « Ibn Aflatûn » (le
fils de Platon), c'est un théologien, juriste, poète, métaphysicien et maître
arabe-andalou du taçawuff islamique, auteur de 846 ouvrages présumés. Son œuvre
domine la spiritualité islamique depuis le xiiie siècle, et il peut être
considéré comme le pivot de la pensée métaphysique de l'islam4. Il est le plus
grand penseur de la doctrine ésotérique du « Wahdat al-wujud » (Unicité de l'Être).
Il eut quelques ennemis dans le domaine exotérique5. Dans l'ésotérisme
islamique, il est considéré[Par qui ?] comme le « sceau de la Sainteté ». Selon
certains auteurs, Dante, dans la Divine comédie, aurait été influencé par son
œuvre6.
Né à Murcie7, il part habiter à Séville avec ses parents
vers l'âge de 7 ans8.
Son père et son oncle paternel étaient des nobles de Murcie,
spécialistes de jurisprudence musulmane (fiqh) et de tradition du Prophète
(hadith).
Sa mère était originaire de Tlemcen, alors que sa femme
était de Béjaia9.
En 1179, son père organise une rencontre entre Ibn 'Arabi
alors âgé de 14 ans et le philosophe aristotélicien Averroès (Ibn Roshd) à Cordoue.
Dans Les Illuminations de la Mecque, Ibn Arabi raconte avoir à nouveau
rencontré Averroès lors d'une extase. En 1198 il assistera à ses funérailles, à
Cordoue.
Ibn 'Arabi se forme lui-même aux différentes formes des
sciences islamiques et acquiert des connaissances considérables par la lecture
de plusieurs maîtres.[Qui ?] Adolescent, il suit l'enseignement de l'amie de sa
mère, Fâtima de Cordoue, qu'il considère comme sa « mère spirituelle »10 et il
est particulièrement marqué par Shams Umm al-Fuqarâ (de Marchena)4.
Son érudition ainsi que le rang de son père lui permettent
de devenir secrétaire à la chancellerie de Séville. Il épouse alors une jeune
fille d'une famille andalouse renommée, Maryam bint 'Abdun qui représente pour
lui « l'idéal de la vie spirituelle »8.
À la suite d'une maladie au cours de laquelle il frôle la
mort, il abandonne son existence de lettré et de haut fonctionnaire. Il a alors
environ 25 ans et s'oriente vers la voie spirituelle (tariqa). Il la débute par
une retraite de neuf mois sous la direction du maître spirituel Abu Dja'far
al-'Urayni. Ibn ' Arabi orientera sa vie vers l'approfondissement des études
métaphysiques et fera la rencontre de plusieurs maîtres spirituels8.
En 1196 à Fès, âgé de 31 ans, selon la tradition, il a la
révélation du « sceau de la sainteté muhammadienne »11. Il dit avoir reçu les «
Gemmes de la sagesse » d'un trait, réveillé une nuit par Mahomet. La sagesse
est représentée par une pierre dont la forme représente la Tradition ; alors
que la pierre est la même pour tous, elle est taillée différemment selon les
formes prophétiques dictées à Abraham, Jésus ou Mahomet.
En 1200, Ibn ' Arabi quitte définitivement l'Andalousie et
entame un périple oriental, jusqu'en 122312. Il théorisera le voyage comme un
moyen d'initiation et de méditation spirituelles dans Le Dévoilement des effets
du voyage13.
En 1202, il est à la Mecque7. Il connaît une théophanie en
la personne de Nizhâm (Harmonie), fille de la famille qui l'accueille. D'après
Henry Corbin14, « la jeune fille fut pour Ibn ' Arabi ce que Béatrice fut pour
Dante ; elle fut et resta pour lui la manifestation terrestre, la figure
théophanique de Sophia aeterna ». En 1203, il écrit Les Illuminations de La
Mecque (ou : Illuminations mecquoises : Futûhât al-Makkiyâ), son maître
ouvrage.
Il est à Mossoul en 1204, pour suivre l'enseignement du
maître soufi 'Alî ibn Jâmi'. Il reçoit de celui-ci le manteau, jadis reçu de
Khezr lui-même15.
Au Caire en 1206, il est arrêté par les docteurs de la
Loi[Quoi ?]. Libéré grâce à ses relations, il quitte la ville pour retourner à
la Mecque où il retrouve Sophia aeterna.
En 1210, à Qonya, en Anatolie, il a pour disciple Sadr
al-Dîn al-Qûnawî, qui fut l'ami du grand mystique et poète iranien Jalâloddîn
Rûmî et mourut comme lui en 1273.
On le retrouve ensuite en Arménie, puis à Bagdad, la Mecque,
Alep et enfin Damas où il s'établit en 1223 et y reste jusqu'à sa mort en 1240.
Il est enterré au pied du Mont Qassioun. Une année après la conquête de Damas
par les Ottomans en 1516, Selim Ier, sultan de Constantinople, fit édifier un
mausolée et une madrasa à l'endroit de sa tombe.
Sa pensée
L'œuvre d'Ibn 'Arabi est considérée[Par qui ?] comme le
sommet de l'ésotérisme islamique. Elle marque de ce fait une date dans
l'histoire de ce courant. Il la présente comme la somme la plus complète et systématique
de l'ésotérisme musulman. Des penseurs occidentaux comme Guénon ou Schuon le
considèrent comme une des expressions privilégiées de la "philosophia
perennis". Selon Roger Deladrière, Ibn ’Arabi est l'auteur de "
l'œuvre théologique, mystique et métaphysique la plus considérable qu'aucun
homme ait jamais réalisé " 16.
Cette œuvre de 846 ouvrages17, répertoriés par Osman Yahia
dans son « Histoire et classification de l'œuvre d'Ibn ’Arabi » - traite de
toutes les sciences religieuses islamiques: celles de la Charia ou Loi
exotérique temporelle (Coran, Sunna ou Tradition de Mahomet, droit); celles de
la Haqîqa ou Vérité métaphysique et ésotérique et celle de la Tarîqa,
c’est-à-dire la voie spirituelle et exotérique menant à la
"réalisation" de la Vérité ». Dans 'Mawâqi' al-Nujûm' (Les lieux du
couchant des étoiles), écrit en 1198, il explicite les trois étapes de la voie.
À partir de la sharî'a, religion littérale, la pratique du ta'wîl18, exégèse
symbolique et ésotérique, permet d'atteindre la Vérité mystique. Henry Corbin
le considère comme « un des plus grands théosophes visionnaires de tous les
temps ». L'œuvre est d'un abord difficile, car, malgré son étendue immense,
elle est souvent rédigée dans un style elliptique et très concis appelant le
commentaire.
Pour Ibn Arabi, la voie mystique n'est ni rationnelle ni
irrationnelle : l'esprit s'échappe des limites de la matière. Contrairement à
la philosophie, elle se situe hors du domaine de la raison, comme le pensait
aussi Tertullien. Ainsi, contrairement à la scission dessinée par Averroès
entre foi et raison, la vision d'Ibn ’Arabi est celle d'une rencontre entre
l'intelligence, l'amour et la connaissance. Ibn ’Arabi se situe
intellectuellement dans la lignée de Al-Hallaj qu'il cite à de nombreuses reprises
: il estime que les véritables fondements de la foi se trouvent dans la
connaissance de la science des Lettres ('Ilm Al-Hurûf). Selon lui, la science
du Coran réside dans les lettres placées en tête des sourates, conception que
l'Islam doctrinal actuel n'admet cependant pas. Aussi l'œuvre d'Ibn ’Arabi
demeure-t-elle marginalisée, aujourd'hui encore, par l'orthodoxie islamique.
Le « Trésor caché »
Cette notion renvoie au hadith (sentence de Mahomet) selon
lequel Dieu a dit : "J’étais un trésor caché et j’ai aimé [ou voulu] à
être connu. Alors j’ai créé les créatures afin d’être connu par elles"
(Al-Futûhât al-Makkiya d'Ibn ' Arabi, II, p. 322, chap. 178). Dans ce hadith la
volonté de Dieu d’être connu est véhiculée par le désir et l’amour :
"Lorsque Dieu S’est connu Lui-même et a connu le monde par Lui-même, Il
l’a créé selon Sa forme. Le monde fut donc un miroir dans lequel Il contemple
Son image. Il n’a aimé, en réalité, que Lui-même" (Fut., II, p. 326) . Ce
rapport de soi à soi se comprend par le fait que le monde tout entier, connu
par Dieu dans Sa science éternelle, n’est que formes épiphaniques pour Sa
manifestation (tajallî). En Se manifestant dans ces formes, Il Se connaît et Se
contemple et aime la créature en S’aimant Lui-même. Voir aussi : Ibn ' Arabi,
Traité de l’amour, p. 60: "Ainsi, l’objet de l’amour, sous tous ses
aspects, est Dieu. L’Être Vrai en se connaissant Soi-même connaît le monde de
Soi-même qu’Il manifeste selon Sa forme. Partant, le monde se trouve être un
miroir pour Dieu dans lequel Il voit Sa forme. Il n’aime donc que
Soi-même".
La « Wahdat al Wujûd »[modifier | modifier le code]
La théorie de Wahdat al-Wujûd (Unicité de l'Être) a été
systématisée pour la première fois par son disciple et gendre Sadr al-Dîn
al-Qûnawî.
Ibn ’Arabi n'a pas dit expressément cette formule, mais il a
laissé entendre dans plusieurs textes de son œuvre, notamment
"Futûhât" et "Fusûs al-Hikam" que "la réalité de
l'Être est unique" (Haqîqat al-Wujûd wâhida), et que Dieu est l'Être au
sens absolu, le véritable Être, l'Être nécessaire (chez les philosophes) qui
conditionne tous les êtres subordonnés et contingents, et n'est conditionné par
aucun autre être. La notion de "Wahdat al-Wujûd" chez Ibn ’Arabi
n'est que l'interprétation emphatique et hyperbolique de l'unicité (tawhîd), un
pilier de l'islam.
Les Noms divins
Chez Ibn ’Arabi, Dieu n'est pas connu dans sa Réalité
essentielle (Huwa, Allah), mais connu par le biais de Ses noms divins. Ainsi,
tous les dons de Dieu à l'égard de la création s'épanchent via les noms divins.
C'est essentiellement la miséricorde divine que Dieu prodigue aux créatures via
ses multiples noms tels que (ar-rahmân) "Allah crée des bienfaits dans al
dunia ( le bas-monde) pour le musulman et le non-musulman et crée des bienfait
dans al akhira (l'au-delà) seulement pour les musulmans et certaines personnes
n'ayant pas eu accès au message de l'islam ou mal acquis le message par des
musulmans ", (al-adl) "celui qui crée une multitude de degrés
méritoires ou de sanctions, abondantes, mais équitables, ceci allant du haut de
al jannah (les futurs lieux de résidence pour les musulmans) au fin fond de
naaru-al jahannam (les futurs lieux de sanctions perpétuels pour le
non-musulman et un lieu de sanctions temporaires pour certains
musulmans)", (al-ghaffâr) "celui qui crée l'effacement des
infractions maintes et maintes fois", etc19. D'autre part, les noms divins
se reflètent dans la création, ils ne s'y incorporent pas. La thématique du
miroir de la création dans lequel Dieu se reflète par l'intermédiaire de Ses
noms divins intervient pour interdire toute assimilation de l'essence divine
avec la substance de la création. Henry Corbin parle à ce propos de
théomonisme. On pourrait dire que, contrairement au panthéisme qui naturalise
Dieu et l'absorbe dans l'immanence, le théomonisme d'Ibn ’Arabi divinise la
nature tout en préservant la transcendance de Dieu et son unicité. Quant à
l'homme, sa place particulière et privilégiée au sein de la création provient
du fait qu'il est la seule créature récapitulant en lui la totalité des noms
divins.
L'Imagination créatrice
L'imagination chez Ibn ’Arabi joue un rôle prépondérant, et
Henry Corbin a été le premier commentateur d'Ibn ’Arabi à en parler amplement
dans son ouvrage-référence : L'imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn
Arabi. Ce livre représente une lecture philosophique à vocation
phénoménologique pour explorer un thème central, jamais étudié jusque là. Ce
thème est l’imagination qui a donné lieu à l’invention de plusieurs termes
connexes comme « imaginal » et « le monde imaginal » ou mundus imaginalis. Le
monde imaginal, ou 'âlam al-Mîthâl, est distinct du monde des réalités
concrètes comme de celui de l'intellect, mais il se superpose au premier, comme
une dimension supplémentaire.
Pour H. Corbin, la doctrine d’Ibn ’Arabi, qualifiée de
théosophie (sagesse divine) ou d’herméneutique prophétique, se base sur un
concept qui est la théophanie, présence de Dieu, ou sa manifestation dans le
monde des phénomènes ; l'imagination joue un rôle décisif, pour percevoir cette
face divine dans les choses et les êtres. L'amour profane est support de
l'amour divin, l'aimé étant le lieu de la théophanie. Cela ne signifie pas que
Dieu est incarné dans l'aimé, mais qu'il se révèle dans ce dernier.
L'imagination est "créatrice" dans la mesure où celui qui aperçoit
Dieu, se voit créé en lui la science de cette divinité incarnée dans le monde.
Tout est interprété à la lumière de la théophanie dont l’imagination représente
l’organe de perception. H. Corbin dit : "L’imagination active est
essentiellement l’organe des théophanies, parce qu’elle est l’organe de la
création et que la création est essentiellement théophanie" (L'imagination
créatrice, p. 148). H. Corbin place le cœur au centre de cette créativité, car
il est le seul organe à pouvoir supporter la transmutation de par son changement
subit et incessant : "Le cœur est le foyer où se concentre l’énergie
spirituelle créatrice, c’est-à-dire théophanique, tandis que l’imagination en
est l’organe" (Ibid., p. 83).
De ce point de vue, H. Corbin place l’imagination au centre
de toute création et cogitation. Il n’y a pas de connaissance, ni de
dévoilement, ni d’interprétation d’ailleurs sans l’imagination qui est, avant
tout, créativité.
L'Homme parfait]
L’homme chez Ibn ’Arabi est l’image parfaite de la création
accomplie : "Qui t’a créé, puis modelé et constitué harmonieusement ? Il
t’a façonné dans la forme qu’Il a voulue" (Coran, Sourate 82, verset 7-8).
L’image extérieure de l’homme ressemble dans une certaine mesure au monde et à
ses dimensions macrocosmiques. Ses facultés intérieures (l’intellect,
l’imagination, etc.) ont une similitude avec les sphères supérieures. Cette
ressemblance extérieure et intérieure est constamment évoquée dans plusieurs
chapitres des Futûhât, ainsi que Mawâqi' al-Nujûm (le Couchant des étoiles) et
Tadbîrât al-Ilâhiyya (Les dispositions divines). Avant Ibn ’Arabi, plusieurs
philosophes, comme les Frères de la pureté (Ikhwan al-Safa) et Avicenne (Ibn
Sînâ), ont systématisé dans leur métaphysique la face humaine de l’univers et l’aspect
cosmologique de l’homme.
Ibn ’Arabi entend par l’homme un degré élevé et distingué,
celui de l’homme parfait (le Qotb, le Pôle), qui possède le savoir
philosophique et connaît l'expérience mystique. La perfection humaine est liée
à l’image divine qui procure les secrets ésotériques pour agir sur la créature.
En outre, la présence de l’homme dans la créature contribue à la perfection de
son image. L’homme parfait se distingue de l'homme ordinaire (Ibn ’Arabi dira
l'homme-animal, du fait de la ressemblance anatomique et physiologique) par
l’appropriation des Noms divins en ayant la volonté créatrice et le
commandement du monde. Par ailleurs, L’homme parfait se distingue par l’énergie
spirituelle ou l’aspiration (en arabe : himma) qui est son instrument de
création. Elle représente, chez l’homme animal, le côté manuel dans ses
fabrications et ses dispositions.
Outre l’appartenance à l'entité spirituelle, l’homme parfait
se distingue aussi par la succession ou la lieutenance (Khilâfa) . Il est ainsi
vicaire (khalîfa) et successeur (nâ'ib) par le fait qu’il maîtrise la totalité
des noms et en étant une copie abrégée de la réalité cosmique et métaphysique.
Ce verset nous enseigne cette vérité : "Et Il apprit à Adam tous les
noms" (Coran, sourate 2, verset 31).
Si Dieu s’est qualifié de "trésor caché", c’est
qu’Il est dérobé derrière la forme de l’homme parfait et se manifeste par sa
théophanie dans cette forme parfaite. En étant le lieu épiphanique, l’homme
parfait se connaît soi-même et connaît son Seigneur qui apparaît en lui,
contrairement à l’homme animal qui connaît les réalités supérieures par
l’intermédiaire de preuves cosmiques et de signes érigés dans le monde. La
méditation de ces signes ne dépasse pas chez lui le seul effort spéculatif.
L’homme parfait contemple plutôt ces signes en lui et extrait les perles du
trésor caché dans son âme. Il associe ainsi la méditation et la contemplation.
Cet effort de contemplation culmine dans l'expérience des différentes modalités
de la Présence (Hadarât) divine. L'homme parfait ou universel est celui qui
parvient au seuil de la « Présence Totale » (al-hadarat al-jâm'iyah) qui
englobe toutes les autres formes de présence et les récapitule, actualisant et
intégrant d'un point de vue existentiel les qualités infinies que les noms
divins recèlent du point de vue principiel20.
Son œuvre poétique[modifier | modifier le code]
Ibn ' Arabi, plus connu pour sa prose que pour sa poésie,
nous a néanmoins laissé une œuvre poétique très importante. Il est en effet
l’auteur d’au moins deux recueils complets : l’un est intitulé Tarjumân
al-Ashwâq ou L’interprète des désirs 21 ; l’autre, sans titre, regroupe des
poèmes variés et traitant de nombreux thèmes. Les Futuhât sont également
parsemés de poésie22. Dans L’Interprète des désirs, l’amante, bien que
manifestée dans un support réel, est toujours l’allégorie d’un amour se
rapportant ultimement à Dieu. C’est le cas dans cet extrait du Poème XX de ce
même recueil :
De son regard dolent, mon mal d’amour procède.
À mon cœur, l’évoquant, portez un doux remède !
Ce ramier ânonnant sa plaintive élégie
Depuis l’ouche, ravive en moi la nostalgie !
Je donnerais mon sang pour cette jouvencelle,
Qui fuyant des douars la jalouse tutelle,
Et qui se soustrayant aux courtisanes prudes,
Paradait, adoptant une snobe attitude !
De son astre, le fard comblait l’azur une heure,
Embrasant, au déclin, l’horizon de mon cœur.23
Son influence
L'influence d'Ibn ’Arabi dans l'histoire de la spiritualité
islamique est immense. Non seulement elle comprend l'école d'Ibn ’Arabi
lui-même, mais elle s'étend à de nombreuses confréries soufies telles que la
Chadhiliyya, la Khalwatiyya, la Mawlawiya (les fameux Derviches tourneurs), la
Chichtiya, toujours vivantes aujourd'hui. Le concept de Wahdat al-wujud occupe
une place importante dans l'islam alevi bektachi. Au-delà du soufisme, les
œuvres d'Ibn ’Arabi ont été méditées et commentées par de nombreux mystiques et
théosophes persans d'obédience chiite. Osman Yahia a recensé 130 commentaires
perse des seuls Fosûs. Plus tard encore, son influence s'étendra encore lorsque
se produira la jonction de cette école avec l'Ishraq de Sohrawardi et la
théosophie chiite des Saints Imams (Haydar Amoli, Ibn Abi Jomhur, Molla Sadra
Shirazi).
Malgré un aussi grand nombre d'adeptes et de défenseurs
prestigieux aussi bien sunnites que chiites, elle fut l'objet de violentes
critiques tout au long de l'histoire, de la part des théologiens exotériques
(voir Ibn Taymiyyah), notamment du wahhabisme saoudien. Les docteurs wahhabites
reprochent à Ibn Arabi d'utiliser le vocabulaire de l'amour pour parler de
notre rapport à Dieu, ce qui est, selon eux, sacrilège24. Ils rejettent également
la doctrine de l'Unicité de Dieu, résumée ainsi : il n'y a que Dieu qui existe
(ou encore : le monde est le miroir de Dieu), car ils considèrent (à tort selon
les disciples d'Ibn ’Arabi) que c'est une forme de panthéisme supprimant la
transcendance de Dieu.
Ibn Arabi a influencé toutes les turuq de l'ésotérisme
islamique, et est relié directement ou indirectement, en tant que sceau de la
Sainteté, à chacune des silsilah orthodoxes en islam[réf. nécessaire]. Il est
également commenté par l'émir Abd el-Kader dans ses Écrits spirituels.
C'est à l'Espagnol Miguel Asin Palacios que l'on doit la
découverte des ouvrages d'Ibn ’Arabi, ainsi qu'à Louis Massignon et Henry
Corbin. C'est grâce à ces trois chercheurs que l'enseignement du Maître de
Murcia a pu se faire connaître en Occident.
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